Les enfants de banlieue

Gilles Deleuze disait : « La violence est ce qui ne parle pas ».

Dans cette série, je cherche à donner une voix à cette violence silencieuse qui imprègne les vies de nombreux enfants et adultes. En France, plus de 10 % de la population a été victime d’inceste, soit 6,7 millions de personnes, sans compter celles qui préfèrent garder le silence. Ces chiffres glaçants témoignent d’une réalité invisible, difficile à entendre et encore plus à dire.

Les enfants de banlieue est née d’un besoin d’exprimer l’inexprimable. Elle explore les violences subies durant l’enfance – psychologiques, physiques et sexuelles – et leurs conséquences, comme la dissociation et la mémoire traumatique. Cette mémoire fantomatique n’est ni linéaire ni stable : elle rassemble des sensations diffuses, des images fragmentées, des échos d’espoir et de détresse qui se superposent sans toujours trouver de cohérence. Pour traduire cet état, j’ai choisi une approche conceptuelle et abstraite, où les formes géométriques et les aplats de couleur envahissent l’image. Ces interventions visuelles ne sont pas de simples ajouts graphiques : elles incarnent une expérience de déréalisation – cet état où la réalité devient floue, où les repères se dissolvent, où les lieux du quotidien semblent étrangement distants, comme observés à travers une vitre déformante. Les couleurs, les formes et les textures deviennent des marqueurs émotionnels, des tentatives de reconstruction d’un monde intérieur éclaté par le trauma.

Je parle de mon enfant intérieur vivant en banlieue, mais aussi de l’enfant intérieur qui survit en chacun.e de nous. Celui ou celle qui, en silence, porte ses propres couleurs , entre gravité et espoir. Celui ou celle que nous croisons chaque jour sans toujours parvenir à voir, à écouter, à comprendre. Les enfants de banlieue est un appel à ne pas détourner le regard, à reconnaître ces enfances brisées, ces mémoires enfouies, et à leur donner une place dans nos histoires communes.

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